Réalité rassurante ou trompeuse
Une réalité rassurante
Une photo qui s’approche de la réalité a toujours quelque chose de satisfaisant. Capable de maîtriser ce qu’il voit, le spectateur éprouve l’agréable sentiment que la photo vient confirmer ses propres connaissances sur le sujet traité. Il s’y laisse volontiers entraîner car il est sûr de pouvoir y retrouver son chemin : les repères sont clairs, les règles respectées et la représentation impeccable. La pensée s’y projette comme dans une maison bien ordonnée où il suffit d’entrer pour récupérer ce que l’on y avait laissé la veille. Aucun événement incongru ne vient y troubler les certitudes acquises.
Réalité trompeuse.
Cependant l’image est d’autant plus trompeuse qu’elle respecte les apparences, car le spectateur est alors sans défense : une telle photo ne lui inspire aucune inquiétude. Se sentant en bonne compagnie, il est même encouragé à s’attarder, admire la technique infaillible du photographe et ce qu’elle requiert de technologie, de connaissances et de savoir-faire. Tout cela déclenche un plaisir « technologique », non sa curiosité artistique. Mais la photo qui apprivoise quelqu’un en utilisant un langage et des objets familiers ne révèle pas pour autant son but. A vrai dire, on peut aisément regarder un portrait, un paysage ou n’importe quel sujet, sans cerner pour autant sa signification. C’est pourquoi, contrairement à l’opinion répandue, la photographie classique tant au niveau de la forme que de son traitement n’est pas d’un accès plus facile que la photographie travaillée, interprétée, plasticienne ou abstraite. Tout au plus ont elles, les unes et les autres, des potentiels de séduction différents selon le spectateur. La photographie, quel que soit les moyens employés, offre les accès à la réalité. Qu’il la décrive jusqu’à l’hyperréalisme avec une netteté diabolique ou qu’il retienne que la matière brute de la lumière, un photographe poursuit toujours le même objectif : entraîner le spectateur à voir autrement ce qu’il croyait connaître.